(#13) Composer, c’est se souvenir d’une musique qui n’existe pas… Greco, 17 juin 202420 juin 2024 …disait le compositeur Robert Schumann. – Et pour l’IA ? – Pour l’IA, composer, c’est se souvenir instantanément de tout ce qui a été composé ! – C’est fort différent. – Totalement ! Schumann, compositeur romantique du 19e siècle (décédé en 1856, soit cinq ans après la création de la Sacem), voulait dire qu’une partie de notre cerveau travaille de façon souterraine et que la créativité est souvent inconsciente. Les artistes (et pas seulement eux) ont la capacité de synchroniser plusieurs zones du cerveau et de mettre en relation un nombre colossal de neurones pour très vite enchaîner des combinaisons et … générer des idées. – C’est ce qu’on appelle l’inspiration ? – Oui, ou l’intuition. Ce trafic neurologique est bien évidemment alimenté par les souvenirs engrangés, mais aussi par l’environnement dans lequel on évolue. C’est ainsi que se constitue notre “base de données”. En fait, tout ceci n’est qu’une redistribution plus ou moins subtile du monde. Rien ne se crée vraiment, tout se transforme. – Comme l’IA ? – Un peu. Sauf que là, les machines sont en permanence connectées à une mémoire infinie résultant de fouilles incessantes débutées voici plusieurs années. Elles se nourrissent grâce à Internet mais aussi grâce au nombre spectaculaire d’œuvres déjà numérisées (Google Art Project, par exemple). – Sans compensation ? – Si. Des transactions se multiplient pour négocier l’utilisation des catalogues de tout genre afin que leur démantèlement puisse être autorisé. Sous une forme ou une autre, des compensations financières vont exister même si leur configuration est encore floue. Il ne faut pas oublier que ces manipulations numériques commencent à générer beaucoup d’argent ! – Et le droit moral ? Et la transparence souhaitée auprès des entreprises qui utilisent ces données ? – Que dire ? Il y a une énorme pression du lobbying américain (notamment les studios hollywoodiens et les Gafam) pour s’approprier la culture européenne en la considérant comme une marchandise quelconque. Alors que nos œuvres disposent, en France et dans certains pays de l’UE, d’un statut spécial (l’exception culturelle) qui les protège des règles commerciales de libre-échange . – Encore une autre menace pour notre droit d’auteur ! – Oui. Du coup, un proverbe grec me vient à l’esprit : “Celui qui pille avec un petit vaisseau s’appelle pirate. Celui qui pille avec un grand navire s’appelle conquérant”. À nous de rester les conquérants de la diversité culturelle. Retour au sommaire La musique et l'IA