(#10) La partie la plus intime de l’humain Greco, 16 mai 202420 juin 2024 – Dans sa publicité de mai 2024, Crush !, Apple broie des instruments de musique, des livres et des statues pour vanter les mérites de son dernier iPad… Ces images prêchent la disparition des outils traditionnels de la création artistique (qui sont les modèles référentiels permettant la transmission des connaissances) et ceci au profit d’une assistance humanoïde de plus en plus intrusive. Certains y verront une magnifique ode à la pédagogie, moi, je constate une ingérence considérable des robots dans notre quotidien créatif. – Et alors ? – C’est vrai, tout ceci est très excitant pour beaucoup de gens, et pas forcément pour les moins créatifs ! Mais ce qui me trouble, c’est que, sous couvert d’assistance, le système devient un accaparement de nos idées, de nos droits et de notre liberté. Il guide l’humain vers des voies auxquelles il n’aurait jamais pensé et, ce faisant, nous amène à réagir comme des machines. L’addiction à celles-ci est d’ailleurs bien installée ! – Mais ça fait des siècles que les machines nous remplacent pour effectuer des tâches rébarbatives ou compliquées. Où est le problème ? – Attends ! Je ne remets pas en cause l’évolution de notre condition apportée, au fil de siècles, par les fantastiques avancées de la mécanique et de la technologie. Mais là, on s’adresse à la partie la plus intime, la plus fragile et la plus malléable de l’humain : nos pensées. En fouillant tout ce que le monde offre, y compris nos sons, nos images, nos comportements et un jour nos émotions, l’IA nous propose une surabondance de choix qui nous inféode. En confisquant une partie de notre imaginaire, “l’âme humaine” se paupérise et sa valeur risque de s’en trouver diminuée. – Tu veux dire qu’orienter la création serait une sorte de cheval de Troie pour mieux nous manipuler ? – Comme c’est toi qui le dis, je ne vais pas te contredire ! Les artistes sont un fondement de la société. Les manipuler est tentant pour les puissants consortiums dont nous dépendons. Mais tout le monde sait que même si les trottinettes et les ascenseurs existent, maintenir son corps en bonne condition physique passe par l’effort musculaire. Pour le cerveau, c’est pareil : si nous ne faisons pas assez travailler nos méninges, l’abrutissement nous guette. – Alors, comment à la fois utiliser ces nouveaux outils et rester soi-même ? – Être vigilant ! Se poser souvent la question de notre autonomie, s’abstenir des écrans quand on peut, accueillir l’effort, et surtout, préméditer un résultat avant de l’obtenir… – Oh la la ! Penser « soi-même » va donc être de plus en plus compliqué… (Si seulement ce que j’écris pouvait être totalement fictif…) Retour au sommaire La musique et l'IA